L’empathie, définie comme la capacité à comprendre ce que l’autre ressent, joue un rôle pivot dans la réussite des interactions humaines. Elle permet non seulement de percevoir ce que les autres ressentent, mais aussi de réagir de façon appropriée à ces sentiments.
Dans un cadre scolaire, développer l’empathie chez les élèves favorise un environnement d’apprentissage respectueux, encourage la coopération et réduit les conflits, tout en préparant les enfants à devenir des citoyens responsables et sensibles aux réalités d’autrui.
L’empathie est intrinsèquement liée à trois grands types de compétences :
Le programme d’enseignement de l’empathie proposé par l’Éducation Nationale s’appuie sur ces 3 types de compétences, qu’il décline en 16 compétences détaillées.
Classification des compétences psychosociales soutenant l’empathie d’après le Ministère de l’Éducation Nationale, basée sur la classification de Santé Publique France. Source : Kit pédagogique du Ministère (volume 1)
Les compétences cognitives sont essentielles pour que les élèves puissent analyser et comprendre leurs propres pensées et comportements ; des habiletés cruciales pour leur développement personnel et académique. Les compétences cognitives englobent :
Ces compétences permettent aux élèves de reconnaître, comprendre et gérer leurs émotions ainsi que celles des autres, ce qui est indispensable pour leur bien-être et leur réussite sociale. Les compétences émotionnelles englobent :
Les compétences sociales sont cruciales pour établir et maintenir des relations interpersonnelles saines. Les compétences sociales englobent :
Enseigner l’empathie à l’école vise à développer ces 16 compétences chez les élèves afin de favoriser les apprentissages, leur épanouissement, mais aussi leur santé globale à long terme.
Publié en 2022, le rapport de Santé Publique France sur l’état des connaissances scientifiques et théoriques démontre que les programmes efficaces d’éducation aux compétences psychosociales contribuent positivement à la réussite scolaire, au bien-être émotionnel, et à la prévention du harcèlement. Depuis plus de trois décennies, les recherches indiquent que les Compétences Psychosociales (souvent désignées par l’acronyme CPS) jouent un rôle crucial dès le plus jeune âge, influençant non seulement le développement personnel de l’enfant mais aussi sa santé globale et ses résultats scolaires.
Les compétences psychosociales contribuent significativement à réduire le harcèlement et les comportements violents chez les jeunes. La mise en œuvre de programmes génériques de CPS a conduit à une baisse de 15% des comportements violents sur toutes les tranches d’âge et jusqu’à 29% chez les adolescents. Ces interventions favorisent un environnement scolaire plus sain et réduisent divers comportements à risque, tels que l’abus de substances psychoactives, grâce à des stratégies préventives intégrées dès le début de la scolarité .
Les compétences psychosociales améliorent le bien-être général des enfants et leur capacité à gérer des situations stressantes. Elles aident également à améliorer les capacités de relaxation et de résolution de problèmes, réduisant ainsi l’anxiété et les idées suicidaires. À long terme, ces compétences permettent aux jeunes adultes de mieux connaître et de prendre soin de leur santé mentale, et de développer une meilleure acceptation sociale envers les personnes souffrant de troubles psychiques .
Les programmes efficaces d’enseignement des CPS à l’école montrent une influence significative sur la réussite scolaire des élèves, notamment parce qu’ils réduisent les comportements perturbateurs en classe, et favorisent une meilleure intégration des enfants en difficulté scolaire. Ces résultats positifs s’étendent jusqu’à l’adolescence où on observe une diminution des comportements liés à la dépendance et une réduction de l’implication dans des activités criminelles. Ces améliorations sont constatées grâce à la mise en place de règles de comportement et de travail en équipe dès le plus jeune âge.
À l’échelle internationale, plusieurs pays ont adopté des programmes d’enseignement de l’empathie et des compétences psychosociales avec des résultats positifs manifestes.
En Scandinavie, l’intégration des compétences psychosociales dans les curriculums scolaires dès le plus jeune âge a conduit à une réduction notable du harcèlement et à une amélioration de la santé mentale des élèves.
Au Danemark, l’enseignement de l’empathie fait partie des programmes scolaires depuis 1993. Chaque semaine, pendant une heure de “Klassens tid” (le temps de la classe), les élèves âgés de 6 à 16 ans participent à des classes d’empathie où ils discutent des problèmes qu’ils rencontrent et cherchent ensemble des solutions. Cette pratique encourage les élèves à écouter activement leurs pairs et à aborder les problèmes de manière collaborative, renforçant ainsi leur capacité à respecter et à comprendre les sentiments des autres. Cette approche vise non seulement à prévenir le harcèlement mais aussi à renforcer les relations interpersonnelles au sein de l’école.
La méthode danoise réserve également une place importante à la collaboration entre élèves : les élèves sont habitués à travailler ensemble sur des projets, apprenant ainsi l’importance de l’entraide et de la collaboration. Cette approche a été largement bénéfique, non seulement pour le bien-être des élèves mais également en matière de performance académique et de développement des compétences sociales.
L’impact positif de ces programmes sur le bien-être des élèves et leur développement socio-émotionnel est également reflété dans les classements internationaux, où le Danemark est régulièrement cité parmi les pays où les enfants sont le plus heureux au monde.
Au Canada, l’enseignement de l’empathie dans les écoles intègre souvent des programmes de développement socio-émotionnel qui visent à améliorer les interactions sociales, la réussite scolaire et le bien-être général des élèves. Ces programmes encouragent les élèves à comprendre et gérer leurs émotions ainsi qu’à développer des relations positives avec les autres, ce qui conduit à une réduction significative du harcèlement et à une amélioration de l’atmosphère scolaire.
Créé en 1996 par Mary Gordon, entrepreneure sociale, le programme scolaire Roots of empathy (en français – “Racines de l’empathie”) a été conçu pour développer “l’alphabétisme émotionnel”, l’empathie et la compréhension sociale, à travers l’observation… d’un bébé !
Au cours de l’année scolaire, les élèves reçoivent 27 visites d’une famille partenaire et de leur bébé, qui est âgé de 2 à 4 mois au début du programme. Ces interactions uniques leur permettent d’observer directement le développement et les comportements du bébé, favorisant ainsi une meilleure compréhension de leurs propres émotions et de celles des autres.
Les effets du programme “Racines de l’empathie” sont bien documentés. Il a été démontré qu’il réduit les niveaux d’agressivité relationnelle parmi les élèves participants, augmente le partage, le souci des autres et l’inclusion, et améliore la résilience et le bien-être général. En plus de ces impacts comportementaux, le programme influence positivement le climat scolaire, réduisant les incidents de harcèlement et améliorant les interactions entre les élèves. Ce programme est maintenant mis en œuvre dans plusieurs provinces au Canada, touchant des communautés urbaines, rurales et éloignées, y compris les communautés autochtones, offrant ainsi un modèle robuste et adaptable pour l’enseignement de l’empathie dans les écoles du monde entier. Son coût est estimé à environ 400 dollars canadiens par élève.
Le Ministère de l’Éducation nationale a développé un kit pédagogique en plusieurs volumes. Ce kit est structuré pour couvrir, à terme, toutes les compétences psychosociales à travers des activités adaptées aux différents âges des élèves, de la maternelle au CM2. Chaque activité fait l’objet d’une fiche pratique, et est conçue pour être intégrée facilement dans les programmes existants.
Pour que les programmes d’enseignement de l’empathie soient efficaces, plusieurs éléments clés doivent être pris en compte.
Premièrement, les séances doivent être bien structurées, et se concentrer sur des compétences clairement définies et étayées par la recherche. La qualité de la mise en œuvre est également cruciale : les séances réussies sont généralement séquentielles, focalisées et explicites, conçues pour engager activement les élèves dans le processus d’apprentissage.
La posture de l’enseignant joue également un rôle déterminant dans la réussite des programmes d’enseignement de l’empathie, et des compétences psychosociales au sens plus large.
Comme souligné en préambule du Kit pédagogique fourni par le Ministère, il est essentiel que les enseignants adoptent une approche bienveillante envers eux-mêmes et restent à l’écoute de leurs propres émotions. Non seulement, cela contribue à incarner et modéliser les comportements attendus pour les élèves, mais cela crée également un environnement propice où les élèves se sentent en sécurité pour explorer et exprimer leurs propres émotions.
Encourager les enseignants à pratiquer la bienveillance envers eux-mêmes et à reconnaître leurs propres limites, à demander de l’aide, peut les aider à maintenir un climat positif et inclusif en classe, ce qui est essentiel pour le succès des programmes d’enseignement des CPS.
À l’image des consignes de sécurité rappelées avant le décollage d’un avion, l’adulte doit d’abord mettre le masque d’oxygène sur son visage, avant d’aider son enfant à le faire !
L’introduction de l’enseignement de l’empathie dans les écoles françaises à partir de la rentrée 2024 représente une évolution significative dans la manière dont l’éducation est perçue et délivrée. Cette initiative, qui met l’accent sur les compétences psychosociales et émotionnelles, prépare les élèves à mieux se connaître et mieux se comprendre pour mieux gérer leurs émotions et in fine, communiquer de façon constructive pour entretenir des relations saines et harmonieuses avec les autres.
L’impact attendu est un environnement scolaire apaisé, où le respect mutuel et la compréhension favorisent un apprentissage plus efficace.
La généralisation des cours d’empathie à l’école primaire témoigne d’une valorisation croissante de l’intelligence émotionnelle au sein du système éducatif.