Avant de nous aventurer dans l’univers de l’Intelligence Artificielle, posons les bases de sa compréhension avec quelques définitions.
L’intelligence artificielle désigne un ensemble de processus reposant sur des algorithmes dont le but est de réaliser certaines tâches plus ou moins complexes, en imitant des capacités intellectuelles humaines (calcul, production de textes, d’images, etc.).
L’intelligence artificielle ne possède pas d’attribut propre à l’intelligence humaine (comme les émotions, la conscience de soi ou la capacité à prendre une décision).
✏ Note : les robots d’intelligence artificielle utilisent des algorithmes pour résoudre des problèmes, mais n’ont pas la capacité de penser comme des humains. Ce sont bel et bien des machines !
ChatGPT (Generative Pretrained Transformer) est un outil d’IAG – Intelligence Artificielle Généréative – créé par OpenAI, doué pour discuter, écrire sur divers sujets et répondre à une demande de l’utilisateur que l’on appelle “prompt”. Cet agent conversationnel, capable de générer du contenu à la demande, est aujourd’hui l’un des plus utilisés dans le monde.
Face à l’intégration croissante de l’IA dans nos vies, son impact sur le domaine de l’éducation mérite une attention particulière. Elle soulève notamment des questions sur la relation des élèves au savoir : sommes-nous en train d’assister à une évolution profonde dans la manière d’apprendre ? L’IA enrichit-elle ou appauvrit-elle l’expérience éducative ? Son adoption dans les milieux éducatifs ouvre un débat qui oscille entre enthousiasme et prudence. Des questions émergent, particulièrement celles d’ordre éthique et pédagogique.
Sur le plan pédagogique, l’intégration de l’IA dans les salles de classe invite à repenser notre rapport traditionnel à l’apprentissage. Les observations de l’OCDE en 2023 dans les domaines de la lecture et des mathématiques révèlent le potentiel de l’IA à transformer les compétences requises sur le marché du travail et dans les salles de classe.
Face à cette réalité, le rapport de l’OCDE soulève la question d’adapter les compétences fondamentales visées par les programmes scolaires pour rester “à la page” des évolutions technologiques. Cette perspective impose une réflexion sur notre capacité à intégrer de nouvelles compétences qui préparent les travailleurs de demain à utiliser les technologies d’IA de manière constructive et éclairée. L’enjeu de cette réflexion n’est pas de censurer l’utilisation de l’IA pendant le parcours d’apprentissage, mais plutôt, de réfléchir collectivement à comment préparer les adultes de demain à une collaboration fructueuse de l’humain avec l’IA.
Le risque que l’IA encourage une dépendance technologique, au point de limiter la capacité d’apprentissage des élèves, est au cœur des débats. On imagine déjà les apprenants se détourner des devoirs donnés à la maison, pensant : « Pas besoin de faire une fiche de lecture, je vais demander à ChatGPT de s’en occuper ! ».
Il est légitime de craindre que nos enfants perdent leur capacité à agir par eux-mêmes, que leur Cerveau, privé d’efforts, ne se mette en mode “fainéant”. Derrière cette peur, c’est la possibilité d’une érosion de l’intelligence, voire de la cession de leur esprit critique à des machines jugées toutes-puissantes, qui effraie.
La protection des données se trouve également au cœur des préoccupations soulevées par le développement effréné des technologies éducatives, notamment lorsque celles-ci sont pilotées par des sociétés privées plutôt que par les institutions éducatives elles-mêmes.
À qui appartient le contrôle de ces technologies ? Et plus encore, quelles sont les finalités éducatives réelles derrière leur déploiement ? La réflexion sur la protection des données personnelles des élèves n’est pas seulement une question de sécurité informatique. Elle est intrinsèquement liée à la conception même de l’éducation dans l’ère numérique : une éducation qui respecte l’individu, qui favorise son épanouissement et qui s’inscrit dans une démarche éthique et responsable.
Alors que nous naviguons vers une pédagogie augmentée par l’IA, une dualité se dessine. D’un côté, l’enthousiasme pour l’enrichissement du savoir offerte par cette technologie. De l’autre, une appréhension face à la possibilité que le rôle de l’humain, l’enseignant en l’occurrence, puisse être éclipsé au profit des algorithmes.
Alors, comment pouvons-nous tirer parti des avancées qu’apporte l’IA tout en veillant à ce que l’enseignement garde son essence profondément humaine ? La question n’est pas de choisir entre l’homme et la machine, mais plutôt de concevoir une symbiose où chacun joue un rôle complémentaire, pour atteindre un niveau d’éducation supérieur, plus personnalisé et inclusif. L’enseignant se retrouve face à un défi majeur : celui de se réinventer, de s’approprier les outils numériques dont il restera le chef d’orchestre.
Ces technologies, capables de produire des textes sophistiqués et des œuvres d’art, voire de réussir des examens dans certains domaines, introduisent un niveau de complexité inédit dans le processus évaluatif.
Pour les enseignants, évaluer le travail réalisé en dehors de la classe devient difficile, confronté à l’incertitude quant à l’utilisation de ChatGPT pour la réalisation des devoirs. Cette situation pose la question fondamentale de l’intégrité académique et de la manière dont nous pouvons distinguer le travail authentiquement produit par l’étudiant de celui assisté par l’IA.
Il est certainement nécessaire d’instaurer un dialogue ouvert avec les élèves sur l’utilisation éthique de l’IA dans leur parcours éducatif et de clarifier les attentes en matière de travail individuel et d’évaluation.
La question d’échapper à l’IA, et plus précisément ChatGPT semble déjà dépassée. Banni par certaines écoles, ChatGPT est au contraire considéré par d’autres comme un outil pédagogique.
Mais comment se l’approprier ? Pour accompagner les enseignants, le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse a élaboré un guide dédié, qui s’inspire des réflexions de l’UNESCO et l’OCDE. Une véritable mine d’or ! Consulter le guide “IA et éducation”.
De quelle manière le secteur éducatif peut-il intégrer ces outils intelligents au profit de tous, enseignants et élèves ?
Pour commencer, il est nécessaire de s’assurer que l’IA dans le domaine éducatif soit marquée par l’inclusion et l’équité, sans discrimination : chaque élève doit avoir la possibilité de profiter des opportunités offertes par l’IA dans son parcours d’apprentissage.
Personnaliser et adapter l’apprentissage aux besoins de chaque élève, c’est l’une des promesses de l’IA dans l’éducation. Ainsi, les enseignants peuvent ajuster leur pédagogie et l’adapter aux besoins de la classe.
Une utilisation élémentaire de ChatGPT peut souvent mener à des réponses génériques, superficielles, voire obsolètes. Pourquoi, alors, ne pas intégrer dans le parcours scolaire l’art de « prompter » ? Vérifier les sources des informations récoltées, et d’apprendre à relire et à corriger le contenu généré ?
L’interaction avec l’IA pousse les élèves à adopter une posture d’investigation, à cultiver leur curiosité, à rechercher la vérité, et à ne pas se contenter de solutions trop simples. C’est en enseignant aux élèves à interroger, à critiquer et à affiner leurs demandes que nous les équipons pour tirer le meilleur parti de ces outils.
Le Ministère travaille d’ailleurs d’ores et déjà à élaborer un cadre de compétences de la littératie en IA, afin de préparer les élèves :
Source : Intelligence artificielle et éducation, apports de la recherche et enjeux politiques publiques (Janvier 2024)
✏ Note : la potentielle intégration de ce cadre aux programmes scolaires est une étape vers la préparation des jeunes générations à la collaboration avec l’intelligence artificielle, pour les préparer au monde de demain.
🎧 Si vous souhaitez approfondir le sujet, nous vous recommandons chaudement la conférence IA : quels enjeux pour l’éducation et la formation ? Une table ronde riche en échanges autour de l’IA et l’apprentissage entre des entreprises de l’innovation en éducation, et le Ministère de l’Éducation.
Malgré les doutes qu’elle soulève, l’IA se révèle aussi être un outil puissant qui apporte son lot de changements significatifs et positifs. L’intelligence artificielle se positionne en effet en première ligne pour assister les professeurs des écoles dans des missions qui, bien que nécessaires, n’exigent pas une intervention humaine directe.
De nombreux enseignants, portés par la curiosité de faire évoluer leur pratique en phase avec la technologie, se sont déjà appropriés les outils d’IA, comme Charivari à l’école, enseignante blogueuse, qui partage dans cet article ses cas pratiques d’utilisation de ChatGPT pour la conception d’exercices en Français, Mathématiques ou encore en Histoire.
Prenons l’exemple d’une enseignante qui exerce en classe de CM2. Elle prévoit une dictée pour travailler l’utilisation de l’imparfait des verbes du premier groupe. Pour rendre l’exercice plus stimulant, la maîtresse choisit le thème de Harry Potter. Elle fait appel à ChatGPT pour la création du script de la dictée. L’outil lui permet alors de préparer un exercice sur-mesure répondant à un cahier des charges précis, et de dégager du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée pour ses élèves (analyse des erreurs, accompagnement personnalisé pour guider chacun vers la progression, etc.).
Dans cette même classe, il a un élève avec un trouble dysgraphique. Afin d’adapter le travail et d’alléger la charge cognitive de l’élève, l’enseignante prépare, à l’aide de ChatGPT, un texte à trous qui respecte les mêmes consignes. L’IA lui fait gagner du temps pour préparer le document, et lui permet d’adapter le devoir au profil de l’élève, lequel se concentrera sur la compétence visée par la dictée : la conjugaison des verbes du premier groupe à l’imparfait.
L’intelligence artificielle est un bon outil d’étude pour amener les élèves à comprendre pourquoi il est important de penser par eux-mêmes et ne pas tout prendre pour argent comptant. En analysant des productions réalisées par des IA, ils apprennent à poser (et à se poser) des questions, à douter de ce qu’ils lisent et à chercher eux-mêmes les réponses pour les confronter au résultat.
En se positionnant comme un outil au service des acteurs éducatifs, l’IA offre des perspectives prometteuses pour un apprentissage à la fois plus accessible et enrichissant pour le développement de l’esprit critique.
Quelques exemples de la manière dont l’IA peut accompagner les enfants handicapés à l’école :
Attention, toutefois, il est nécessaire de modérer l’enthousiasme face à ces technologies par une réflexion critique sur leurs limites. Ils ne remplacent jamais l’expertise humaine d’un professionnel (un orthophoniste, par exemple).
L’innovation technologique en matière d’accès à l’information n’est pas un phénomène nouveau. L’accès à des plateformes comme Wikipédia ou Google a, en son temps, également suscité des inquiétudes similaires à celles que nous observons aujourd’hui avec l’IA. Leur intégration dans notre quotidien a prouvé leur valeur, à condition, bien sûr, d’en faire un usage éclairé et critique.
La capacité à s’orienter avec recul et esprit critique dans l’utilisation de ces nouveaux outils, est une compétence clé dont la maitrise par les élèves se développera probablement dès les bancs de l’école. En anticipation des changements profonds que l’IA est en train de provoquer dans le domaine éducatif, les autorités, y compris les ministères, travaillent à l’élaboration de cadres de compétences en matière de littératie numérique, qui pourraient bien finir par intégrer les programmes scolaires.
L’objectif est de préparer au mieux les générations futures à cohabiter avec l’IA. Cette démarche témoigne de la volonté d’accompagner les avancées technologiques par une réflexion pédagogique adaptée, en veillant à ce que les étudiants de demain soient non seulement des utilisateurs avertis de l’IA, mais aussi des citoyens capables de comprendre et de questionner les outils qui façonnent leur environnement.